A première vue, Dylan a tout du gendre idéal. Beau bronzage, petite barbe bien taillée, sportif, sûr de lui, riche mais pieux et généreux. À 28 ans, cet ancien mannequin révélé par la téléréalité abreuve son million et demi d’abonnés Instagram de clichés sur sa vie rêvée, tantôt en mode luxe à Dubaï, tantôt en mode humanitaire. Mais le vernis craque vite dès qu’il ouvre la bouche… Sa dernière pose exhibitionniste ne passe pas. Une série de vidéos TikTok tournées en Turquie, où il se met en scène façon sauveteur hypersapé, partageant un repas frugal (« Ici, on est tous égals [sic], Bismillah »), marchant au milieu des ruines d’un immeuble effondré, avant de repartir sans ouvrir de cagnotte… Car « c’est tellement bien organisé [par le gouvernement islamiste d’Erdogan] qu’ils n’ont besoin de rien ». D’autres séquences émotions ont choqué, comme celles où il joue au grand frère avec des enfants africains. Plus grave : cinq plaintes viennent d’être déposées à son encontre pour escroquerie et abus de confiance. En cause : des cagnottes constituées dans le cadre de son association « Pour nos enfants », qui prétend venir en aide au Sénégal ou à Madagascar. Or, depuis sa création, en 2021, l’organisme a récolté plus de 260 000 euros sans qu’aucune facture ou que le moindre inventaire sur l’utilisation de l’argent ait jamais été fourni aux donateurs.

Illustration : Laura Acquaviva

Une affaire qui lève le voile sur un personnage plus complexe que son bronzage. Car Dylan Thiry, c’est M. Hyde et M. Hyde : influenceur douteux et petit soldat de ­l’islam politique. Converti à 16 ans, cet ancien militaire luxembourgeois s’est fait connaître grâce à son entrée fracassante dans Koh ­Lanta en 2017. Le bellâtre y affronte la jungle cambodgienne en mocassins Gucci. Puis il enchaîne : Les Marseillais VS Le Reste du monde, La Villa des cœurs brisés, Les Princes et les Princesses de l’amour. Au fil des émissions, sa réputation de play-boy grandit. Des histoires de cœur que le jeune public se plaît à suivre sur ses réseaux sociaux.

Exhibitionnisme religieux

Le voyeurisme sentimental n’empêche pas l’exhibitionnisme religieux. Au contraire. Son compte Instagram regorge de posts prosélytes. Sous tous les angles, à toutes les heures, on contemple ­D­ylan Thiry en train de prier, jeûner, pèleriner. L’intéressé érige même sa foi en loi cardinale : « Dans la religion musulmane, rien ne passe avant Dieu. Même pas un hobby, même pas tes parents, même pas tes frères et sœurs, rien. » En 2021, pendant le confinement, il réalise des live – des visio­conférences diffusées en temps réel – en compagnie d’un imam. Une trentaine de conversions virtuelles ont lieu en direct. Sur ses réseaux, il incite « toutes les femmes à porter [le voile] malgré le regard des autres. Seul le regard de Dieu importe au fond. Vous êtes belles, vous êtes pieuses alors ne laissez personne vous empêcher de le porter ». Un engagement qui n’est pas que virtuel. Puisque, en novembre dernier, Dylan Thiry participait à la Rencontre annuelle des musulmans du Sud à Marseille, ce rendez-vous où l’islam politique rencontre le rigorisme.

Son profil avait tout pour plaire à Tariq Ramadan, l’ambassadeur des Frères musulmans, visé par plusieurs plaintes pour viol. Dylan Thiry lui a offert diverses tribunes pour se défendre. Sa mère, raconte-t-il, a prénommé l’un de ses petits frères Tariq en l’honneur de l’islamologue suisse. Durant un de leurs échanges, le prédicateur controversé en a profité pour se victimiser et pour déverser, sans contradicteur, son fantasme d’un Occident raciste et colonial. Bilan : 143 851 vues sur YouTube. Une aubaine pour le gourou que plus personne n’invite. Comme lui, Dylan Thiry est friand de complots médiatiques. Très remonté contre Israël, il en dénonce « l’impunité », à l’inverse de la pauvre Russie, accablée depuis l’invasion de l’Ukraine : « Tout le monde est révolté contre [la Russie]. On leur stoppe tout. C’est dit partout que c’est injuste. Et pourtant en Israël, […] nos frères palestiniens sont tués du matin au soir. Et ça ne révolte personne. »

Made in Libanie

Pour coller à sa vision rigoriste de l’islam, Dylan Thiry a renoncé, en 2021, à la téléréalité. Il entend désormais « donner l’exemple à sa communauté ». Ce qui, Dieu merci, ne semble pas inclure le drop shipping… Comme ses compères, le Luxembourgeois est amateur de cette pratique consistant à vendre sur ses réseaux sociaux un produit bas de gamme à un prix largement supérieur à celui qu’on trouve ailleurs. Les codes promo donnent l’illusion de la bonne affaire. Récemment, l’influenceur s’est fait le démonstrateur de sacs rarissimes… en provenance de « Libanie » (sic). Ce n’est pas parce qu’on entend sauver son âme qu’il faut se priver de gagner sa vie.

Le collectif d’Aide aux victimes d’influenceurs (AVI) surveille Dylan Thiry de près. Des internautes ont dénoncé sa vente d’écouteurs sans fil de la marque 21Pods. Il en faisait la promotion sans jamais mentionner en être le propriétaire. Selon l’AVI, des centaines d’acheteurs n’ont jamais reçu leur commande.

D’autres polémiques, plus graves, ont suivi. En novembre, Thiry a vanté les mérites de gélules censées détruire les « cellules cancérigeuses » (sic), à grand renfort d’arguments complotistes : « C’est pas vendu en France ni en Europe, parce que c’est interdit, ils veulent pas. C’est beaucoup plus intéressant pour eux que vous alliez à l’hôpital et que vous payiez une blinde. » Une arnaque de plus. Heureusement pour Dylan Thiry, on dit qu’Allah rachète les péchés.

Sourcehttps://www.franc-tireur.fr/dylan-thiry-influenceur-sous-influence